mercredi 16 juin 2010

Dictionnaire des beaux-arts, Volume 1 Par Aubin Louis Millin


Carnation ; dans le langage de l'art, ainsi que dans la langue générale , ce mot désigne l'apparence que nous offre dans la naturq la couleur de la peau, et principalement celle du visage ; il signifie aussi l'imitation que les peintres«en font , lorsqu'ils peignent la figure humaine. Il désigne enfin la manière qu'emploient les artistes pour imiter la couleur de la peau et suMout du teint. C'est ainsi qu'on dit des femmes d'un pays qu'elles ont une belle carnation, ce qui veut dire qu'elles ont la peau et le teint blancs, et aussi colorés qu'il le faut. En appliquant ce mot à la peinture , on dit : Rubens donne beaucoup d'éclat à ses carnations ; les carnations de ce peintre sont reconnoissables par les tons brillans et les passages fins qu'il y mêle ; mais les carnations de Van Dyk, non moins recommandablcs ; 'ont plus de vérité.
L'imitation naturelle de la carnation dans les tableaux est une des parties les plus importantes et les plu* difficiles du coloris. Ijes couleurs de tous les autres cor|js leur sont ordinairement accessoires et ne tiennent qu'à leur extérieur; mais il paroiI que lacarnation de 1 homme, ainsi que sa forme, soit une
p*arlie constituante. Cette carnation même exprime déjà la vie , par conséquentes différentes gradations et forces de la vie, et une partie du. caractère de l'homme. Le sculpteur ne peut jamais réussir à faire voir toute l'aine de ses figures. C'est ce -qui prouve la grande importance do cette partie de l'art. Les couleurs de la chair sont non-seulement de toutes les couleurs celles qu'on peut le moins déterminer, mais aussi celles qui, par leur fraîcheur et leurs grâces , sont les plus tendres. Il faut donc les traiter avec infiniment de légèreté. On doit éviter, dans les carnations, un coloris rouge , qui représente plutôt une chair écorchée que de la peau ; il ne faut point aussi qu'il y ait ces variétés de teintes éclatantes, comme on en peut mettre sur quelque corps poli, qui re— cevroit la diversité des couleurs voisines. La chair est toujours d'une couleur malte, et elle est mal rendue par un coloris transparent.
Le terme carnation convient en général aux chairs peintes dans un tableau; mais lorsqu'on veut désigner une partie seulement, on dit qu'elle est bien de chair. Lairesse , dans son grand livre des Peintres , a donné sur cette partie de l'art , ainsi que sur plusieurs autres, des règles qui peuvent faciliter l'étude à celui dont le génie a de ce côté une bonne direction; mais toutes les règles qu'on n'a pas découvert soi-même, ou dont on n'a pas reconnu la vérité par ses propre» méditations, nesauroient être trèsutiles.

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